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Très attendus, deux décrets relatifs aux jeux vidéo compétitifs, publiés le 9 mai 2017, viennent préciser le régime juridique applicable aux jeux vidéo mis en place par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Le premier concerne l’organisation des compétitions de jeux vidéo via le décret n° 2017-871 et le second celui du statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs via le décret n° 2017-872.

 

Nous allons nous intéresser dans cet article aux compétitions esport. Le but étant de dégrossir et commenter ce décret. Le statut du esportif, quant à lui, fera l’objet d’un prochain article.

 

Tout d’abord il est bon de préciser que le modèle économique des compétitions d’esport a fait l’objet de nombreuses questions. Notamment la soumission au régime et jeux de hasard. Même si nous nous en rapprochant un peu, les compétitions de jeux vidéos bénéficient dorénavant de leur propre régime, sous certaines conditions.

Compétition de jeux vidéo : définition

Il s’agit de la confrontation à partir d’un jeu vidéo d’au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire.

Les questions que nous pouvons déjà nous poser ici sont : quand est-il des compétitions n’incluant qu’un seul joueur ? Quel sera le statut prévu pour les compétitions de speed-run ?

Rappel : jeux de loterie

Sont assimilés et entrent donc dans le champ d’application d’interdiction des loteries, les jeux qui réunissent les conditions suivantes :

  • la présence d’une offre au public
  • l’espérance d’un gain pour le joueur
  • un sacrifice financier de la part du joueur
  • la présence (même partielle) du hasard

Cette interdiction recouvre également « les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur » – CSI, art. L. 322-2-1. La plupart des compétitions esport tombaient donc sous le coup de cette interdiction.

Finalement cela se justifiait par la protection des mineurs, la transparence et l’intégrité des jeux ou bien encore la prévention (lutter par exemple contre le blanchiment d’argent).

Alors qui pourra bénéficier de ce régime ?

Les compétitions de jeux vidéo n’entrent pas dans le champ d’application des loteries, telles que définies dans le Code de la sécurité intérieure, à condition qu’elles soient organisées en la présence physique des participants.

Les droits d’inscription ou des autres sacrifices financiers consentis par les joueurs ne devront pas excéder 100% du coût total de la manifestation (ce coût comprend le montant des gains).

Ainsi donc, l’organisateur se doit de trouver un équilibre financier et afin de réaliser des bénéfices, celui-ci devra trouver d’autres sources de financement (autres que les droits d’inscription).

Au-delà de ça, la loi va distinguer les compétitions auxquelles participent les esportifs non salariés des esportifs salariés.

Organisation de compétitions sans esportifs salariés

L’obligation de déclaration

L’organisateur aura l’obligation de déclarer la compétition auprès du service du ministère de l’intérieur chargé des courses et jeux via un téléservice.

Dans la pratique, ce contrôle sera opéré par le service central de la Direction centrale de la police judiciaire.

La déclaration peut concerner une seule ou plusieurs compétitions et devra être déposée au moins 30 jours avant la date de début de la compétition et au plus tard 1 an avant ladite date, sauf urgence motivée.

Difficile d’appréhender de quelle urgence l’organisateur devra justifier. D’autant plus, que l’interprétation sera sûrement sujette à discussions et la décision probablement arbitraire. Ce qui est regrettable.

En cas d’absence de déclaration, de la participation d’un mineur de moins de 12 ans, de la participation d’un mineur de plus de 12 ans sans autorisation parentale, l’organisateur encourra des contraventions. Pour l’absence de déclaration l’amende sera de 135 €, concernant les mineurs, celle-ci s’élèvera à 1500 € et sera inscrite sur votre casier judiciaire.

 

Les compétitions dont le total des gains ou lots est supérieur à 10 000 €

Lorsque le montant total des gains ou lots excédera 10 000€, l’organisateur devra justifier de l’existence d’un instrument ou mécanisme garantissant le reversement de la totalité des gains ou lots mis en jeu.

Finalement, ce système est similaire à celui mis en place pour les jeux de hasard. Sauf que concernant les jeux vidéos, l’organisateur devra fournir un justificatif de la détention d’une sûreté (fiducie, compte sous séquestre, assurance). Il sera donc grandement conseillé de se faire assister par des professionnels (huissier).

Organisation de compétitions avec des esportifs salariés

L’organisateur de compétitions de jeux vidéo qui souhaite employer des joueurs professionnels de jeux vidéo compétitifs doit (I de l’article 102 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique) avoir obtenu au préalable un agrément ministériel l’y autorisant.

La demande d’agrément est adressée par son représentant légal au ministre chargé du numérique par voie électronique ou par lettre recommandée avec accusé de réception. L’agrément est délivré pour 3 ans renouvelables sans limitation. Le renouvellement de l’agrément est possible sous réserve qu’une demande ait été déposée, au plus tard, 3 mois avant le terme de la période d’agrément.

Pour les associations loi de 1901, ainsi que les sociétés soumises au code du commerce, des documents administratifs supplémentaires sont exigés.

Bien évidemment, les dirigeants de l’association ou de la société organisatrice ne devront pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale, ni d’une sanction civile, commerciale ou administrative de nature à leur interdire de gérer, administrer ou diriger une personne morale ou d’exercer une activité commerciale.

Décret : l’avis de la rédaction en bref

Un décret qui au final ne tient pas compte de chaque type de compétitions. La mise en place d’un cadre très strict imposé aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo qui se devront de se faire assister par des professionnels afin de mettre en œuvre des moyens conséquents pour garantir le respect des obligations légales. Nous ne pouvons que déplorer une telle lourdeur du processus administratif. Cela pourrait bien avoir comme conséquence de décourager les petites et moyennes structures. Ce que nous déplorons également dans ce décret, c’est le manque de perspective de développement de l’esport. Dans notre prochain article, nous aborderons le statut du esportif (celui du mineur et du salarié).