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Il n’y aurait pas d’esport sans « pro gamers », c’est pour cela qu’il était important de mettre en place un statut leur permettant de participer aux compétitions de jeux vidéo.

Comme pour le précédent article, le cadre légal applicable aux compétitions esport, le but ici est de dégrossir le décret n° 2017-872 et de le commenter.

Pourquoi un statut ?

Hormis si on leur avait attribué un statut d’indépendant, il était nécessaire de mettre en place un tel statut. En effet, les règles de droit commun du Code du travail n’étaient pas du tout adaptées à l’esport. Que ce soit au niveau de la participation de joueurs mineurs ou des contrats.

Une distinction a donc été faite entre les esportifs mineurs et les esportifs majeurs.

L’esportif salarié

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (article 102) a mis en place un CDD propre à l’esportif salarié. Ce CDD ne pourra être inférieur à 1 an et supérieur à 5 ans, et devra correspondre à l’une des 3 situations ci-dessous :

  • la création d’une équipe pour concourir sur un jeu nouvellement lancé
  • la création d’une équipe pour concourir sur un jeu où aucune autre équipe existante de l’employeur ne dispute de compétitions dans le même circuit de compétition
  • la création d’un nouveau poste dans une équipe existante

Calqué sur le CDD sportif, ce contrat sera établi en fonction des dates de début et de fin de saison des compétitions de jeux vidéo. Elle devront être définies par un arrêté du ministre chargé du numérique. Ce même décret vient préciser que lorsque plusieurs circuits de compétition existent pour un jeu donné, l’arrêté établit pour ce jeu la liste des saisons correspondantes, avec leurs dates de début et de fin respectives.

Pour l’instant, nous voyons mal comment le décret pourra prendre en compte l’intégralité des saisons de jeux, dans la mesure où certaines compétitions ne se déroulent pas forcément sur une seule et même saison. Nous savons également que la structuration des compétitions ne dépend pas d’un seul et même organisme, comme c’est le cas dans le sport avec les fédérations. Rajoutez à cela, la multitude de circuits compétitifs pour un même jeu vidéo… De plus, est-ce que cela sous-entendrait que seuls les jeux cités dans l’arrêté seraient considérés comme « compétitifs » ? Assisterons-nous à la mise au placard de certains jeux jugés trop violents ?

L’esportif mineur

Ce fut une des grandes questions de ce décret puisqu’une part importante de joueurs esport est mineure. Le statut est dorénavant précisé et une séparation est faite entre le mineur de mois de 12 ans et celui de plus de 12 ans.

Le principe est que toute participation aux compétitions de jeux vidéo offrant des récompenses monétaires est strictement interdite pour les enfants de moins de 12 ans.

Pour l’esportif de plus de 12 ans, la participation sera soumise à l’autorisation du représentant légal du mineur. Les représentants légaux devront justifier de leur identité avec une carte nationale d’identité ou un passeport en cours de validité. Une exception est faite pour les ressortissants français, qui peuvent utiliser un document d’identité périmé depuis moins de 5 ans (R. 321-43). La copie de l’autorisation devra être conservée pendant 1 an par l’organisateur.

Est ensuite instituée une autre distinction entre les mineurs âgés de moins de 16 ans et les autres participant à des compétitions offrant des récompenses monétaires de toute nature.

 

Mineur dont l’âge est compris entre 12 et 16 ans

Une partie de la rémunération (le pécule) doit être versée par l’organisateur à la Caisse des dépôts et consignations en rappelant l’état civil de l’enfant, son domicile et le nom de ses représentants légaux. Le montant de la rémunération pouvant être directement mise à disposition des représentants légaux sera fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du numérique et du travail, en fonction du montant des récompenses.

Finalement il s’agit d’un modèle similaire à celui des enfants mannequins par exemple puisque c’est déjà la Caisse des dépôts et consignations qui gèrent le pécule jusqu’à la majorité du mineur.

 

Et si on parlait des charges sociales ?

Nous nous attendions à ce que les sommes perçues par les esportifs soient soumises aux charges sociales en vigueur pour tous les salariés et au final ces derniers bénéficient d’un régime aligné sur celui des artistes et mannequins.

Prenons l’exemple du CDD sportif dans lequel seules les redevances liées à l’exploitation de l’image du sportif bénéficient d’une taxation de 15.5 %. Ici, c’est l’intégralité de la rémunération de l’esportif mineur qui ne sera pas assimilée à un salaire mais à des redevances (dans la catégorie des revenus du patrimoine) imposées à un taux de 15.5%. Le législateur n’a pas semblé vouloir étendre l’application de ce régime à la rémunération des esportifs majeurs (qui restent soumis au code du travail). Faut pas pousser mémé dans les orties non plus !

L’avis de la rédaction

Un décret qui a le mérite de sortir les compétitions de jeux vidéo de la catégorie des loteries et de poser un vrai cadre juridique aux activités salariées des joueurs professionnels même si des incertitudes persistent. Un statut dérogatoire pour l’esportif mineur qui représente un véritable avantage pour les employeurs. Toutefois, est-ce que cet avantage fiscal incitera les employeurs à embaucher majoritairement des esportifs mineurs au détriment des esportifs majeurs ? Est-ce que ces derniers ne verront pas leurs contrats reconduits une fois passée la majorité ? Comme dirait l’autre « Wait and see » !